HCSHR 6:11 — Louise Dandeneau, Nos souffles liés
HCSHR 6:11 — Louise Dandeneau, Nos souffles liés ; Éd. David, Ottawa, ON., 1er trim. 2023. Prix incluant les frais de poste : 14,95 $. https://editionsdavid.com/
Recension par ©Janick Belleau
La longue portée de leurs voix – « boîte de photos / (…) odeur / de renfermé ». C’est par cette voie que le passé est revisité jusqu’au présent. De l’« arbre de famille », tant au propre qu’au figuré, surgissent sensations et émotions, au fil du temps : « sa petite main / caresse celle de son père » « ciel poussiéreux / les oies plongent la tête » ; « l’orme abattu / ses racines exposées ».
Ici, les symptômes de la vieillesse ébranlent autant les végétaux que les êtres humains :
douleur d’arthrose / les arbres ancestraux / au tronc tordu
Sous mes pieds le sol secoué – Quel bel euphémisme pour décrire la Grande Faucheuse. Rien ni personne n’y échappe : « toutous déposés / au passage pour piétons » « sous la pluie sporadique / le moineau mort » « à côté du tronc mort / la citrouille évidée ».
Là, végétaux et humains sont liés :
sa boîte à cigares / au fond de ma tasse de thé / un goût de cendres
La tristesse se dégage de ce premier recueil de haïkus de la Franco-manitobaine, Louise Dandeneau. Les qualificatifs associés à la faune et à la flore témoignent de son état.
Un lourd bruit de klaxon fend le silence – Dans ce troisième segment, la nouvelle sexagénaire partage avec son lectorat quelques moments personnels – certes « le soleil ne peut chasser / les derniers mois » néanmoins un peu de sa chaleur transparaît dans les sensations évoquées : « thé vert / dans une trop grande tasse » « bain chaud / les volutes des cheminées » « le long de mon bras / les moustaches de la chatte ».
La lumière, bien que faible, tente de percer… à preuve, cette métaphore :
ciel bleu acier / la demi-lune pâle / s’accroche au jour
Frémissements à deux – Ah, l’amour, toujours l’amour ! Quel baume, tout de même ! À la fin de ce dernier volet, je me prends à murmurer ce refrain de Jean Ferrat sur un poème de Louis Aragon : « Que serais-je sans toi ». Je relis la série de poèmes courts / haïkus espérant choisir ceux qui convieront l’émoi de la poétesse amoureuse : « la danse élégante / de deux libellules » « la rose blanche fanée / courbe de ta nuque » « le couple de pélicans / nos doigts enlacés ».
Quelle que soit la situation, la symbiose règne entre la Nature et l’autrice :
aurore / le glissement de nos skis / en parallèle
Avant de terminer, je citerai quelques phrases-clé tirées de la Préface de la poète montréalaise, Geneviève Fillion : « J’ai toujours pensé que je n’étais pas seulement une humaine. Je me sens souvent comme un arbre, mes racines me liant à mon passé (…). Je suis aussi parfois un oiseau (…) quand je laisse derrière moi quelques plumes (…). Louise Dandeneau nous parle (…) de notre paysage intérieur, de nos sentiments… Elle nous révèle en fait notre condition humaine, végétale, animale. »
Le contenu de la Préface de Geneviève F. tombe pile sur ma lecture du moment soit un ouvrage de J. R. Léveillé1 lequel cite un vers du poète et philosophe présocratique, Empédocle :
Car autrefois je fus jeune homme et jeune fille
Et arbuste et oiseau et muet poisson de mer
Je ne peux rêver plus belle coïncidence ou en est-ce vraiment une ? Pour moi, joindre la vie et la mort des végétaux et des animaux à celles de l’Humain, s’avère non seulement poétique mais hautement philosophique.
Ignorant si Louise D. croit à une telle évolution, je lui pose la question sa réaction après avoir lu les mots de Geneviève F. : « Je me suis reconnue dans son texte (…) suis contente de constater, inconsciemment, que je fais partie d’un tout plus grand que moi - humanité, animaux, arbres. »2
Les photos N&B de la nouvelliste/poète illustrent les émotions qui jalonnent les différentes parties de son recueil.
Recension
par ©Janick Belleau
mai 2023
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1 L’écrivain et poète franco-manitobain, J. R. Léveillé, cite en exergue de son roman Ganiishomong ou L’extase du temps (éd. du Blé, Saint-Boniface, MB., 2020) ce vers de Empédocle.
2 Extrait d’un courriel de l’autrice, reçu le 27 mai 2023.
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