HCSHR 6:12 — Patrick Fetu, d’une rive à l’autre

 

HCSHR 6:12Patrick Fetu, d’une rive à l’autre, Haïshas. Éditions unicité, France. 2022. 9782373557800. 107 pages. http://www.editions-unicite.fr/auteurs/FETU-Patrick/d-une-rive-a-l-autre/index.php

Recension par ©Diane Descôteaux

Patrick Fetu, à travers «d’une rive à l’autre», nous entraîne dans le monde prodigieux du haïsha où il agence avec adresse et bienveillance photographies et poèmes haïkus. Au fil de ma lecture, j’ai été particulièrement touchée par cette attention pleine d’humanité qu’il accorde tant aux êtres:

l’enfant migrant / pour toujours un enfant

illustré par une petite chaussure abandonnée sur la grève, qu’à la gente ailée:

plumes et goudron / la mouette ne rit plus

mis en valeur par une photo d’une plume blanche aux contours noirs plantée dans le sable, ainsi qu’à la faune et la flore, victimes des potions agroalimentaires chimiques que Fetu dénonce subtilement:

de fleur en fleur / l’abeille insouciante / – Monsanto !

accolé d’une photographie d’un champ parsemé de quelques coquelicots.

Or, même si ce sentiment altruiste envers toute chose qui habite notre poète tout au long de cet ouvrage demeure bien présent, il est d’autres éléments qui reviennent en boucle, qu’on les nomme vent, bourrasques, souffle, brume, brouillard…:

bourrasques / de plus en plus folles / les herbes folles

souffle de l’enfant / vers une autre destinée / s’envolent les akènes

ce dernier haïku soutenu par une photo prise en macro d’un akène.

S’il arrive, qu’en quelques occasions, les photographies illustrent un mot ou le thème du haïku correspondant, je dirais que les haïshas de Patrick Fetu sont, pour la majorité, des petits chefs-d’œuvre en soi. Le fil conducteur qui unit le visuel au textuel est si bien choisi par le haïjin que le poème apporte une nouvelle dimension à la photographie, ouvrant, du coup, un dialogue entre l’image et le mot comme dans le haïsha suivant on l’on peut apprécier une chaise vide en rotin posée devant un bosquet fleuri:

encore en moi / le bruit de sa canne

ou comme dans ce haïku s’alliant à une tasse de thé fumante:

premiers rayons – / de ma nuit reste la brume / de mes rêves

Et, bien que ce livre nous propose un vaste éventail de balades en des lieux divers, de la maison familiale à la «maison de vacances», de la «pluie de pétales» jusqu’au « bleu de la mer », l’auteur interrompt sa virée le temps de quelques réminiscences:

première rencontre / au seuil du petit matin / la raccompagner

agencé, avec un réel souci d’harmonie, à une photographie de lampadaire illuminé, suspendu dans la pénombre.

Mais il y a aussi de la tristesse qui point à l’horizon chez Fetu parfois, comme dans ce haïku:

dernier été / elle s’accroche / à la vie

Une feuille jaunie coincée dans une clôture près d’un arbre mature devant un cottage est assortie à ce poème et crée un parfait agencement puisque photographie et haïku ont chacun leur vie propre, indépendamment l’une de l’autre, tout en se complétant.

Ou bien dans ce clin d’œil qu’il fait à René Maublanc (La vieille tuile / Saigne d’un rouge frais: / Éclat d’obus. Éperney, 13 juin 1917 – R.Maublanc, p.781) avec ce haïku de guerre associé à des coquelicots dans un champ:

si blanc le drapeau / au milieu de tout ce rouge

Enfin, je ne puis passer sous silence cette touche d’humour que l’auteur nous sert avec cette maîtrise du non-dit qui nous laisse deviner la scène en filigrane:

rangée du fond / un gars une fille / ratent le film

avec, pour photo d’accompagnement, une bande de film de cinéma.

Évidemment, je ne vous apprendrai rien en vous disant que Patrick Fetu n’en est pas à ses premières armes dans le maniement du haïsha, art qu’il pratique depuis 2009 et qu’il exploite avec brio. Aussi, s’il a su me captiver avec «d’une rive à l’autre» alors que je m’adonne moi-même à cette pratique sur une base régulière, c’est avec enthousiasme que je vous recommande ce bel ouvrage préfacé par Micheline Beaudry.

©Diane Descôteaux
Juin 2023

1 Chipot, Dominique. (2013). En pleine figure – Haïkus de la guerre de 14-18. Éditions Bruno Doucey.

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