HCSHR 5:10 — Mike Montreuil, le danger est ?
HCSHR 5:10 — Mike Montreuil, le danger est ? Haïkus. Éditions des petits nuages, Ottawa. 2022. 9781926519685. 80 pages. editionspetitsnuages@gmail.com
Recension par ©Diane Descôteaux
Mike Montreuil que l’on connaît en tant qu’éditeur mais aussi comme auteur prolifique, nous revient ici avec un ouvrage de haïkus qu’il décline en quatre chapitres sous l’étonnant titre « le danger est ? »
Or, dans le premier chapitre intitulé « dans un rêve », s’il en est un, nous le partagerons tout au long de celui-ci, la tête bien calée au creux du même oreiller que l’auteur dans une ambiance propice à la confidence alors que, soudainement, nous nous retrouverons projetés aux confins de la réalité :
son amour / lui dit au revoir / lever du soleil
Dans ce premier épisode, nous sommes témoins d’un amour charnel entre deux êtres. Peut-être s’agit-il d’un amour de jeunesse :
elle est ravie / il se souvient…
d’une aventure d’un soir :
il tient la main / de son amante / une pie placote
ou d’une liaison interdite :
problème de lessive / du rouge / sur son collet
Allez savoir !
On aurait pu s’attendre à quelques pistes de réponses dans le chapitre suivant « le danger est ? ». Or, poser la question c’est, en quelque sorte, y répondre :
est-ce seulement / le vent qui connait / les secrets du torrent ?
Probablement, n’est-ce pas, et ce serait fort heureux pour nous que le vent soit notre unique confesseur si nous étions le torrent ! Cela dit, l’auteur émerge de sa rêverie, comme on le fait chaque matin au saut du lit, et le ton change : la vie reprend son cours avec
les garçons / et leur radeau / l’été continue
Malgré ce vague à l’âme constant que l’on ressent chez Montreuil à travers des mots qui reviennent en boucle tels que le corbeau ou l’orage, il y a cet émerveillement en lui, pareil à celui d’un enfant devant l’éclat tout simple des petites choses ordinaires, indécelables à l’œil distrait, qui le tire de son ennui :
septembre / une fleur jamais vue / auparavant
Et, pourtant, je demeure perplexe face à ce haïku éponyme :
le danger / est… / la première neige
Est-ce annonciateur d’une tempête à venir ou si, plutôt, l’auteur ne s’inquiétait pour rien, « la première neige » étant ici un symbole de pureté et de beauté ? Le haïjin nous laisse en juger en ouvrant la porte à tous les possibles !
Au chapitre trois, « en pleine forme », bien qu’il débute avec
la retraite / pas même / une montre en or
la lecture de celui-ci, comme pour le précédent d’ailleurs, est loin d’être linéaire. On s’y promène au gré de l’inspiration du haïkiste qui nous entraîne, avec des poèmes teintés d’humour, à différentes périodes de notre vie :
ses ailes s’allongent / son premier / permis de conduire
Ah les gars et leurs chars ! Mais Mike est un poète, ne l’oublions pas, et ce haïku-ci en fait foi :
camion diesel / l’encens / de la ville
Toujours avec ce brin de légèreté et dans un esprit de plaisanterie doublé d’un habile jeu de mots, il nous produira :
une danse / sans rythme / soûl
Enfin, au dernier chapitre, « en déclin », il jette un bref regard du côté de la guerre dans le monde qu’il dénonce, évidemment :
tué / par les hommes / l’enfant soldat
En conclusion, je dirais que Mike Montreuil nous emmène sur le sentier de la « confidence » dans cet ouvrage, et que c’est à la croisée de son écriture et de notre interprétation de ses haïkus, alors que nous nous reconnaissons spontanément à travers plusieurs d’entre eux, que le danger est ? demeure un livre singulier à lire et à relire !
©Diane
Descôteaux
Juin 2022
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