HCSHR 1.2: Secrets de femmes
publié dans Haiku Canada Review 12:2 (octobre 2018) 40-43
Secrets de femmes, collectif francophone de haïkus dirigé par Danièle Duteil. Éditions Pippa, Paris, 2018. ISBN : 978-2-37679-006-8. 122 pages. 18€. http://www.pippa.fr/
Secrets de femmes, collectif francophone de haïkus dirigé par Danièle Duteil. Éditions Pippa, Paris, 2018. ISBN : 978-2-37679-006-8. 122 pages. 18€. http://www.pippa.fr/
J’ai
entre les mains ce collectif qui regroupe des haïkus de femmes dont le français
est la langue d’écriture, un collectif qui démontre la présence grandissante
des femmes dans la pratique du haïku.
Lancé
en mai 2017, l’appel, dans lequel aucun thème n’était imposé, aucune règle n’a
été proposée, a été bien entendu. Ça a été
un travail éditorial impressionnant que de regrouper, sous cinq grands thèmes,
un peu plus de 400 haïkus originellement rédigés en français par 127 femmes
provenant de divers pays (Angleterre, Autriche, Belgique, Canada, Égypte,
France, Grèce, Roumanie, Tunisie, Suisse).
Je
ne peux m’empêcher de songer au désert haïkuesque dans lequel ont œuvré deux
Canadiennes francophones: Simone Routier (1901-1987) a été la première femme
francophone à publier 14 de ses propres haïkus dans son recueil de poèmes L'Immortel adolescent (1928); Jocelyne
Villeneuve (1941-1998) a été la première femme à publier un recueil constitué
uniquement de haïkus La Saison des
papillons (1980).
Comme
Danièle Duteil le souligne dans sa préface, Secrets
de femmes arrive dix années après Regards
femmes (2008) de Janick Belleau, signataire de la postface de SDF. Il est donc inévitable de comparer
: SDF regroupe un peu plus de 400
haïkus de 127 femmes (à noter que la plupart des poètes sont représentées par 3
ou 4 haïkus, une trentaine ne sont représentées que par un ou deux haïkus, et
14 par 5), et PDF regroupait 283
haïkus de 86 femmes. Il y a seulement 27 poètes présentes dans ces deux
ouvrages. Si on remonte de dix autres années, soit en 1998, dans l’anthologie Haïku sans frontières, pour les pays
francophones, on ne comptait que 5 femmes au Canada-français et 1 en France (Rozenn Milin offrait ses
haïkus en breton et français). On constate aisément que la pratique du haïku au
féminin est en expansion.
Le
choix du titre, Secrets de femmes,
m’a étonné. Comme le mot « secret » se réfère habituellement à ce qui doit être tenu caché,
ou à ce qui est réservé
aux initiés, à la confidence, au silence en quelque
sorte, il aurait mieux convenu à un collectif de tankas; conséquemment, il y a
de nombreux tercets « poétiques », plus proches
de la poésie française dite traditionnelle lyrique. Une réflexion intime, un
bon mot, une observation ne font pas un haïku, du moins pas dans la conception
du shasei, du « croquis sur le vif »
qui touche par les sens et non par l’intellect. Mais il y a vraisemblablement
diverses écoles autres que celle-ci que je préfère. En revanche, je dois avouer
que certaines, ‘débutantes’ ou non, offrent des images nouvelles.
Tout
collectif ne peut être exhaustif. Les unes entendent et répondent et sont
retenues; d’autres, pour diverses raisons, ne répondent pas ou ne sont pas
retenues. J’aurais aimé entrer dans les « secrets » de poètes dont je connais
d’excellents haïkus, ceux d’Hélène Leclerc, de Jeanne Painchaud...
Tout
en appréciant ce collectif, je demeure dans l’attente d’une publication qui
regrouperait le travail de femmes dont la pratique et l’exploration du haïku
marquent une référence incontournable.
Enfin
. . . parmi les haïkus que j’ai appréciés, en voici quelques-uns :
chaque sein
ne pèse plus que lui-même
fin d’allaitement
ne pèse plus que lui-même
fin d’allaitement
— Coralie
Creuzet, p. 18
Pâques
une table bien garnie
pour deux seulement
une table bien garnie
pour deux seulement
—Louise
Vachon, p. 15
l’odeur de ma
mère
dort dans l’écharpe mauve
que je porte au cou
dort dans l’écharpe mauve
que je porte au cou
— Chantal
Péran, p. 35
son époux en
fauteuil
elle dénoue pour lui
sa longue chevelure
elle dénoue pour lui
sa longue chevelure
—Danièle
Duteil, p. 41
même main de
femme
écrasant l’araignée
coiffant sa fillette
écrasant l’araignée
coiffant sa fillette
— Christine
Ourliac, p. 44
ma main sur
son épaule
a peur d’émietter ses os –
a peur d’émietter ses os –
si grande
vieillesse
— Frédérique
Leriche, p. 46
venant des
jardins
elle entre au musée, voir
les natures mortes
elle entre au musée, voir
les natures mortes
—Micheline
Beaudry, p. 65
silence entre
nous
depuis si longtemps en couple
avec le chat
depuis si longtemps en couple
avec le chat
— Sophie
Danchaud, p. 82
Toi et moi
dans la ville –
Pas de souvenirs ensemble
dans la ville –
Pas de souvenirs ensemble
—Evelaine
Lochu, p. 85
Retour de la
neige
Mes règles à jamais
disparues
Mes règles à jamais
disparues
—Monique
Leroux Serres, p. 88
Matin banal
assise sur un tronc d’arbre
je compte les vagues
assise sur un tronc d’arbre
je compte les vagues
—Denise
Therriault-Ruest, p. 93
ma première
fois
les parfums du rivage
et le sien
les parfums du rivage
et le sien
—Sophie
Copinne, p. 93